Philippe Hersant : Les Eclairs à l’Opéra Comique

On ne présente plus Philippe Hersant, l’un des compositeurs les plus reconnus dans le monde musical aujourd’hui. Son œuvre considérable cheminant à travers l’opéra, la musique symphonique, la musique de chambre, le chant choral, compte parmi les plus fécondes. Son parcours et le catalogue de ses compositions reflètent sa curiosité et son intérêt pour la littérature, la poésie, le théâtre… et la voix, pour laquelle il a composé de nombreuses œuvres distinguées, dont certaines commandées, créées ou interprétées par l’ensemble Aedes : Nostalgia, Les Vêpres de la Vierge, Trois Poèmes d’Eichendorff (sortis au disque dans Ludus Verbalis Vol. 1), Instants Limites

Après Le Château des Carpathes (commande de Radio France) et Le Moine noir (commande de l’Opéra de Leipzig), Les Eclairs est son troisième opéra, adapté du roman éponyme de Jean Echenoz.
Ce drame joyeux en quatre actes, commandé par l’Opéra Comique, retrace le destin de l’ingénieur Nikola Tesla, inventeur, entre autres, du courant alternatif, qui veut développer de façon révolutionnaire les usages de l’électricité. La création très attendue de l’œuvre n’est pas sans lien avec l’histoire de l’Opéra Comique ; la Salle Favart fut le premier théâtre d’Europe à fonctionner intégralement à l’électricité ! 

L’ensemble Aedes rejoint sur le plateau l’Orchestre philharmonique de Radio France et les solistes Jean-Christophe Lanièce, André Heyboer, Elsa Benoit, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Jérôme Boutillier, François Rougier. La direction est donnée à Ariane Matiakh dans une mise en scène de Clément Hervieu-Léger.

Entretien avec Philippe Hersant, compositeur

Après Le Château des Carpathes et Le Moine NoirLes Eclairs est votre troisième œuvre lyrique. En quoi l’opéra tient-il une place particulière dans votre production ?

Avant cela, j’avais déjà écrit un petit opéra de chambre, Les Visites espacées, créé au Festival d’Avignon en 1984. J’ai un peu oublié ce premier essai lyrique, mais je sais qu’il a contribué à me faire connaître comme compositeur. Mes incursions dans le domaine lyrique ont ensuite été assez espacées dans le temps, mais je peux considérer chacun de mes opéras comme un point d’étape, un jalon important dans ma vie de compositeur. Et ces opéras ont leurs « satellites », Le Moine noir notamment, qui a généré, pendant quelques années, un assez grand nombre de pièces instrumentales ou de musique de chambre. Quant au Château des Carpathes, il est un peu la synthèse ou l’aboutissement de tout ce que j’avais écrit jusque là. Ce n’est pas le cas de Les Éclairs qui, au contraire, se situe un peu en rupture avec mes oeuvres récentes.

Avez-vous eu une collaboration avec Jean Echenoz pour l’écriture de l’œuvre ? Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce roman ? 

Jean Echenoz avait déjà écrit son livret lorsque le directeur de l’Opéra Comique, Olivier Mantéi, m’a contacté. Je ne suis arrivé dans l’aventure qu’assez tardivement. 

Ce qui m’a intéressé et amusé dans le livret d’Echenoz, et ce qui m’a frappé tout de suite, ce sont les points communs avec mes deux opéras précédents. Malgré son atmosphère gothique, Le Château des Carpathes traite d’un sujet scientifique (l’invention de l’enregistrement, du magnétoscope, de la reproduction de la voix humaine et des images) et la figure d’Edison a manifestement inspiré à Jules Verne le personnage du Baron de Gortz. Quant au Moine noir, d’après une nouvelle de Tchekhov, il raconte l’histoire d’un philosophe, Andreï, homme brillant, peut-être génial, mais atteint de la folie des grandeurs et totalement inadapté socialement, ce qui le rapproche du Gregor des Éclairs. 

Mais ce qui m’a séduit dans le livret de Jean Echenoz, c’était la façon, vive et rapide, de raconter l’histoire. Mes premiers opéras étaient relativement statiques, contemplatifs et introspectifs. Ici, tout va très vite, il se passe beaucoup de choses. 

Avec l’assentiment d’Echenoz, j’ai un peu raccourci certains dialogues. Mais les modifications restent peu nombreuses et j’ai adopté sans mal le rythme très soutenu du livret.

Plus généralement, quel est votre rapport à la voix, si présente dans votre œuvre ? 

J’aime énormément écrire pour la voix. Elle est en effet très présente dans mon oeuvre – les oeuvres chorales étant, du reste, plus nombreuses que les oeuvres solistes. Cela vient, en partie, du hasard des commandes. Outre mon inclination pour la voix humaine, mon goût pour la littérature et la poésie est évidemment une des raisons essentielles de cette prédominance de la musique vocale dans mon catalogue.

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Vous collaborez fréquemment avec l’ensemble Aedes, qu’est-ce qui vous plaît dans ce chœur ? Comment qualifieriez-vous le travail réalisé par Mathieu Romano ? 

Je connais le choeur Aedes depuis ses tout débuts ! C’est une longue amitié qui me lie à Mathieu Romano, dont j’ai pu constater à maintes reprises, les qualités de précision, de justesse, d’expression qu’il déployait lorsqu’il fait travailler le choeur. Depuis les Trois Poèmes d’Eichendorff, écrits pour Aedes en 2007, nous avons vécu ensemble, entre autres, la belle expérience de Clairvaux (avec Instants limites) et les concerts des Vêpres de la Vierge. Manquait une collaboration dans le domaine lyrique : je suis enchanté que Les Éclairs viennent combler cette lacune.

 

Les Eclairs à l’Opéra Comique
Les 2, 4, 6, 8 novembre 2021
Diffusé sur France Musique le mercredi 1er décembre à 20h

 

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