Poulenc : Stabat Mater et Litanies, sortie officielle en octobre

L’ensemble Aedes s’associe aux musiciens des Siècles dans l’interprétation d’un monument de la musique sacrée, le Stabat Mater de Francis Poulenc, compositeur de prédilection de l’ensemble depuis ses débuts. Créé aux Rencontres Musicales de Vézelay, repris au Théâtre Raymond Devos de Tourcoing et à la Cathédrale de Laon, enregistré au Théâtre Impérial de Compiègne, le Stabat Mater, sous la direction de Mathieu Romano, sortira en disque le 20 octobre 2023 sous le label Aparté.
Cet enregistrement s’inscrit dans la continuité d’un premier disque consacré au Requiem de Fauré, paru en 2019 et largement salué par la critique. En regard du Stabat Mater, l’ensemble Aedes a choisi d’intégrer les célèbres Litanies à la Vierge noire, enregistrées à l’Abbaye de Royaumont, ainsi qu’une pièce de Clément Janequin, compositeur apprécié de Francis Poulenc.

Entretien avec Mathieu Romano

L’ensemble Aedes et Francis Poulenc, une histoire d’amour ?

En quelque sorte ! Disons que la musique française fait intimement partie de l’histoire de l’ensemble Aedes, et en son sein, celle de Francis Poulenc tient une place à part : la première œuvre que nous avons travaillée en 2005 était Un soir de neige, et depuis, nous n’avons cessé d’approfondir notre expérience de la sonorité propre à son univers. Poulenc est devenu l’un de nos compositeurs de prédilection et nous avons déjà gravé une part importante de son répertoire a cappella.

Qu’est-ce qui vous touche particulièrement dans sa musique ?

La musique de Poulenc me touche particulièrement par sa clarté, son rapport direct au texte, aux mots et aux images qu’il suggère, sa liberté de ton, son mélange singulier de ferveur et de sensualité… C’est une musique très virtuose dans ce qu’elle demande aux interprètes : transmettre des émotions intenses et variées tout en gardant une certaine pureté sonore, rendre cette impression de simplicité en cachant à l’auditeur la grande technicité vocale requise dans l’interprétation de ces œuvres.

Pourquoi avoir choisi d’enregistrer ces deux œuvres en particulier ?

Les Litanies à la Vierge noire et le Stabat mater sont deux pièces phares du compositeur. Toutes deux sous le patronage de la Vierge noire de Rocamadour, elles sont en outre des « premières » dans la vie de Francis Poulenc : première œuvre chorale religieuse pour les Litanies, première œuvre réunissant le chœur et l’orchestre pour le Stabat mater. Cet aspect de « nouveauté » et la foi vibrante du compositeur ont été des grandes inspirations pour la vision que j’ai voulu construire.

Ces deux œuvres témoignent à mon sens de la spiritualité originale de Francis Poulenc. Les Litanies marquent un retour à la foi chez le compositeur et témoignent donc d’une piété intense. Elles doivent donc être chantées « rudimentairement » et cela requiert un travail choral complexe et profond afin de mettre en relief ce qui doit l’être, tout en conservant l’impression de transparence et de pureté.

Le Stabat mater, composé quinze ans après les Litanies, déploie une écriture plus fournie, plus variée, avec des passages très lyriques et d’autres tempétueux, remplis de passion et de dévotion. Il y a, comme dans tout l’œuvre de Poulenc, une alternance entre des moments très intenses, graves et d’autres plus « légers »… La voix de Marianne Croux, par sa rondeur, sa puissance et sa finesse, incarne idéalement l’expérience de la spiritualité chez Poulenc : une spiritualité ancrée dans la matière, vivante et même sensuelle.

Stabat Mater aux Rencontres Musicales de Vézelay © François Zuidberg

 

Faites-vous une différence d’approche entre les pages profanes et sacrées du compositeur ?

Pas vraiment… Bien sûr, quand Poulenc écrit de la musique religieuse comme c’est le cas dans ces deux œuvres, il est inspiré par une foi authentique et cela peut et doit guider l’interprétation. Mais plus que par le sentiment religieux, je pense qu’il est animé par une profonde humanité et une foi sincère en ce qu’il fait. Il possède une compréhension intuitive de la spiritualité sous-jacente aux textes qu’il met en musique : qu’ils soient religieux ou non, Poulenc compose d’abord au service de l’émotion qu’ils suscitent. 

Dans cet esprit, j’ai souhaité inclure au disque la chanson O doulx regard, o parler gracieux de Clément Janequin. Bien qu’il s’agisse d’une pièce profane (un texte d’amour courtois), je sens un grand double-sens possible, au sens de l’amour de l’humanité porté à la Vierge, comme icône mais aussi comme personne. Là encore, la frontière entre amour terrestre et amour mystique est abolie…

 

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