Je veux chanter pour ceux…

Elisabeth de la Genardière fonde l’association Tournesol Artistes à l’Hôpital en 1990. Avec des artistes issus de divers horizons et des hospitaliers intéressés, elle organise l’accès de musiciens et artistes professionnels au cœur des hôpitaux et des établissements médico-sociaux. Elle développe ainsi une réelle expertise qu’elle met à profit au sein du réseau « Culture-Santé » qui émerge à l’époque. En 2012, l’ ensemble Aedes devient partenaire de l’association et en 2019, Elisabeth de la Genardière quitte la direction de l’association pour donner naissance à la Fondation Artistes à l’Hôpital dont elle est actuellement présidente. Cette nouvelle entité philanthropique a objectif de soutenir des porteurs de projets, à travers des programmes spécifiques comme Notes de Chœurs. C’est dans le cadre de ce programme qu’Élisabeth collabore dorénavant avec Aedes, notamment en Bourgogne Franche Comté.

Au moment de Noël, l’ensemble, au complet ou en quatuors, ira à la rencontre des enfants et adultes dans plusieurs hôpitaux en Île-de-France. Des actions organisées dans le cadre de Chants Libres de la Fondation Bettencourt Schueller.

A travers cet interview, Elisabeth de la Genardière apporte un témoignage puissant de la nécessité de lart dans les établissements de soin.

En regard de la crise sanitaire que nous traversons, quel sens revêtent pour vous aujourd’hui les mots « artistes à l’hôpital » ?

Durant la pandémie, la fermeture au public extérieur de nombreux établissements de santé, notamment médico-sociaux, qui sont des lieux de vie pour les résidents, a été très difficile à vivre, générant isolement et dépression pour certains. Le désir des équipes de santé de remettre en place une vie culturelle et de développer la présence des artistes, après ce temps d’épreuve, témoigne de la nécessité vitale de ces actions.

Cette crise sanitaire a aussi montré que nous sommes tous concernés par la santé, et qu’il faut prendre soin des personnes souffrantes ou isolées, et contribuer à la vitalité et l’ouverture culturelle des institutions sanitaires.

On assiste à une forte reprise de ces activités, des artistes se mobilisent et s’informent, des ensembles artistiques et institutions culturelles s’impliquent, des établissements de santé se mobilisent malgré leurs difficultés actuelles.
Les artistes comprennent mieux quelle est leur place auprès de ce public. Des chanteurs amateurs et les personnels de santé souhaitent aussi se former musicalement pour mieux s’investir dans des actions de solidarité auprès des personnes isolées.

Les « Artistes à l’hôpital » sont donc plus que jamais d’actualité !


Quelle est la singularité des différentes interventions artistiques en milieu hospitalier ? 
En quoi nécessitent-elles un savoir-faire particulier ?

© Morgane Vie

Il s’agit pour les artistes d’exercer leur métier en tenant compte d’un environnement très divers, dédié aux soins, très structuré et soumis à des contraintes, et où leur capacité d’adaptation sera mise en jeu.

A l’hôpital ou en établissement médico-social, on peut en effet faire des concerts et des spectacles, si les lieux et l’organisation le permettent, mais aussi aller au chevet de patients plus fatigués, proposer des ateliers ou des pratiques artistiques, organiser des sorties culturelles, travailler sur la mémoire culturelle et musicale ; et associer des personnels et des familles

C’est l’imagination des artistes qui est mise à contribution : comment intéresser des personnes qui n’ont pas ou plus accès à la parole, et pour autant extrêmement sensibles à toute activité sensorielle, et notamment à la musique ? Que proposer à des personnes en réanimation ou en fin de vie, alitées dans un environnement très technique, qui sont très sensibles à l’art, mais avec une attention limitée ? Comment faciliter l’accès à l’art à des personnes porteuses de handicaps importants, physiques ou psychiques ? Que proposer pour soulager l’angoisse de l’entrée dans la nuit, palpable dans tous les établissements de santé ? Comment aider les personnels de santé, à enrichir leurs relations avec les patients, et à trouver quelques moments de détente et de découverte dans une vie professionnelle intense ?

C’est la rencontre qui prévaut, la rencontre qui amène les artistes à créer de nouvelles formes d’intervention, de nouveaux répertoires, des créations. Cela demande une grande attention, d’être à l’écoute de l’autre, de ses besoins, de ses capacités et de ses désirs… Une médiation est bienvenue, avec des associations spécialisées ou des personnels dédiés, pour faire le lien entre ces deux univers si différents, accompagner les artistes et les personnels à se rencontrer et à construire ensemble des projets adaptés.


Peut-on parler de « publics spécifiques » lorsqu’il s’agit, pour un ensemble comme Aedes par exemple, de chanter dans un établissement de santé ? 

Avec Aedes, des quatuors volontaires ont été formés pour aller au chevet des patients et déambuler plus facilement dans les différents services de soins. Les chanteurs sont très fidèles à cet engagement.

Des répertoires ont été créés ou adaptés. Les concerts de Noël, de musique américaine, ou inspirés de Brel et Barbara, ont enchanté les auditeurs de la santé, comme le répertoire plus classique. Mathieu Romano a dirigé des ateliers chansons constitués de soignants, de patients, inventé des jeux qui animent et éveillent l’intérêt du public : confier sa direction un instant, répartir les chanteurs autour des auditeurs…

L’ensemble s’est donné les moyens de diversifier sa proposition artistique pour s’adapter à toutes circonstances et être au plus près de personnes d’âge et de cultures différentes.
L’ensemble a ainsi passé des journées entières à l’hôpital marin de Berck APHP, l’hôpital de la Roche Guyon APHP, à l’UGECAM de Montreuil (adultes et enfants atteints de handicaps ou en rééducation), a suivi des patients en soins palliatifs, a parcouru de nombreux EHPADs, rencontré des personnes isolées à domicile.. mais il est aussi intervenu en établissement psychiatrique et en soins aigus de cancérologie.

Il faudrait parler plutôt de moyens spécifiques adaptés à des publics sensibles, très divers… et très motivés !


Comment mesurez-vous les bienfaits apportés par la présence des artistes à l’hôpital ?

© Morgane Vie

L’analyse des effets d’une présence artistique sur la qualité de vie des patients et résidents, mais aussi des personnels, est l’une des missions de la fondation. Ce travail a déjà commencé en IDF et HDF. Ce sont les équipes de santé ou d’animation qui le réalisent, les artistes restant des intervenants extérieurs. Leur fidélité et leur enthousiasme montre la réalité de ces bienfaits. L’art, la musique, la danse, agissent sur le physique et le moral des patients et résidents, calment et apaisent, évitent des médications, favorisent les relations et la sociabilité, améliorent l’ambiance générale…

Plus largement, l’art vivant s’inscrit dans une dimension culturelle nécessaire aux établissements de santé. L’artiste est au cœur de cette démarche, qui choisit et partage la beauté et la richesse d’une œuvre, dans une dimension profondément humaine. 

Ce que nous vivons au quotidien, c’est la présence de l’artiste au chevet du patient, qui crée une relation intime, un espace de liberté, de partage et d’appropriation commune de l’œuvre interprétée. Cela donne du sens à l’expérience artistique, qui devient, suivant les cas,  une ressource, une expression, un plaisir, une mémoire, une découverte, l’occasion d’un échange ou d’une transmission. Cela permet aussi à chacun de revenir sur son identité profonde, ouvrant le chemin à la réflexion et à l’espérance.


Quels types d’interventions aimeriez-vous développer à l’avenir ? 

La fondation Artistes à l’hôpital souhaite renforcer certains axes de son programme Notes de Chœurs, avec le développement de réseaux voix-santé… Cette thématique est très vivante en Bourgogne Franche-Comté, avec le soutien de la Cité de la Voix, en Ile de France, avec le chœur de radio France et de nombreux artistes et ensembles dont Aedes…

Dans les années à venir, la fondation souhaite développer son engagement philanthropique, auprès des porteurs de projets, autour d’autres thèmes, artistiques et sociaux.

 

No Comments

Sorry, the comment form is closed at this time.

Restons en contact !